Dans un paysage médiatique où les tensions interreligieuses sont parfois exacerbées, notre engagement en faveur du dialogue et de la compréhension mutuelle nécessite une vigilance constante contre toutes les formes de discrimination. Nous rentrons de deux jours de formation à Paris sur la question de la lutte contre l'antisémitisme et cet article explore pourquoi les formations spécifiques sur l'antisémitisme sont essentielles pour un média comme le nôtre.
L'antisémitisme : une discrimination aux multiples visages
L'antisémitisme constitue l'une des formes de discrimination les plus anciennes et les plus persistantes de l'histoire. Loin d'avoir disparu, il s'est transformé et adapté aux contextes contemporains. En tant que média engagé dans le dialogue interreligieux, nous devons être particulièrement vigilants face à cette réalité.
Les manifestations contemporaines de l'antisémitisme sont parfois subtiles, se dissimulant derrière des formulations qui semblent anodines ou légitimes à première vue. C'est précisément pour cette raison que des formations spécifiques sont nécessaires : elles nous permettent d'identifier les codes, les expressions et les mécanismes rhétoriques qui véhiculent des préjugés antisémites, même lorsqu'ils sont camouflés.
Une complémentarité avec notre lutte contre l'islamophobie
Notre média s'est forgé une identité forte dans la lutte contre les discriminations religieuses, notamment celles en lien avec l'islamophobie, en proposant des formations, et des conférences.
Certains pourraient se demander pourquoi nous devrions consacrer des ressources spécifiques à l'antisémitisme alors que notre public cible est principalement concerné par les discriminations anti-musulmanes, le nombre de lecteurs de cette communauté étant majoritaire. La réponse est simple : ces luttes ne sont pas en concurrence, mais complémentaires. Les mécanismes qui sous-tendent ces différentes formes de discrimination religieuse présentent des similitudes profondes. En comprenant comment fonctionne l'antisémitisme, nous affinons également notre compréhension des processus à l'œuvre dans l'islamophobie. Plus encore, nous jugeons que cette double expertise renforce notre crédibilité. En démontrant notre engagement contre toutes les formes de discrimination religieuse, nous établissons notre média comme un acteur impartial et authentiquement dédié au respect de la diversité spirituelle et de toutes les luttes contre les discriminations.
Parmi les bénéfices concrets des formations contre l'antisémitisme, nous considérons qu'elles aident à développer un regard plus aiguisé sur les discours médiatiques en général. Elles nous enseignent à repérer les amalgames, les généralisations abusives et les constructions narratives problématiques – des compétences transférables à l'analyse d'autres formes de discriminations. Cela nous permet de développer une lecture critique des discours médiatiques.
L'un des défis majeurs dans les débats contemporains concerne la frontière entre la critique légitime des politiques d'un État et l'expression de préjugés antisémites. Les formations nous aident à établir cette distinction cruciale, permettant d'aborder des sujets politiques sensibles sans verser dans des stéréotypes discriminatoires. Nous observons les mêmes processus dans la lutte contre l'islamophobie où lorsqu'un prétendu Etat commet des attaques terroristes dans le monde entier, c'est aux musulmans que l'on demande des comptes.
Ces formations permettent également d'être alertes à propos des théories complotistes, qui constituent souvent un terreau fertile pour l'antisémitisme. Apprendre à reconnaître et déconstruire ces récits nous permet de produire un contenu médiatique plus rigoureux, fondé sur les faits plutôt que sur des fantasmes conspirationnistes qui nuisent à la cohésion sociale. Les narratifs complotistes sont au cœur de ces deux discriminations. L'antisémitisme moderne s'articule souvent autour de théories de "contrôle mondial" ou d'"influence cachée", tandis que l'islamophobie contemporaine s'appuie sur des théories de "grand remplacement" ou d'"islamisation" secrète. Ces récits partagent une structure similaire : l'idée d'un plan dissimulé menaçant la société.
Puis, les formations contre l'antisémitisme abordent souvent la question de la mémoire et de l'histoire. Elles nous sensibilisent aux dangers de la "concurrence mémorielle" – cette tendance à mettre en compétition les souffrances de différents groupes. En évitant ce piège, nous créons un espace où chaque mémoire peut être reconnue dans sa spécificité, sans minimiser celle des autres.
Au-delà de la lutte contre les discriminations, ces formations enrichissent notre pratique journalistique dans son ensemble. Elles nous invitent à :
Questionner nos angles morts : nous avons tous des préjugés implicites; reconnaître leur existence est la première étape pour les surmonter.
Diversifier nos sources : pour traiter un sujet avec justesse, il est essentiel de consulter des perspectives variées, y compris celles des communautés concernées.
Affiner notre langage : les mots ont un pouvoir considérable; choisir les termes appropriés est une responsabilité journalistique fondamentale.
Contextualiser nos informations : les formations nous rappellent l'importance de fournir le contexte historique et social nécessaire à la compréhension des enjeux contemporains.
Notre démarche ne se limite pas à une formation ponctuelle. Elle s'inscrit dans un engagement continu pour l'amélioration de nos pratiques et de nos connaissances. Cela implique des sessions régulières de mise à jour sur l'évolution des formes d'antisémitisme, des collaborations avec des experts et des associations spécialisées, des échanges avec les communautés juives pour comprendre leurs préoccupations et bien tendu, un effort constant d'autocritique et d'amélioration de notre couverture médiatique
En nous formant, puis en invitant nos partenaires à se former à la lutte contre l'antisémitisme, nous posons les fondations d'un dialogue interreligieux véritablement inclusif. Nous reconnaissons que ce dialogue ne peut exister sans une vigilance constante contre toutes les formes de discrimination religieuse. Cette démarche n'est pas seulement éthique – elle est également stratégique. Elle nous permet de produire un contenu médiatique plus nuancé, plus rigoureux et plus pertinent pour notre audience diversifiée. En définitive, elle renforce notre mission première : contribuer à une société où la diversité religieuse est perçue comme une richesse plutôt que comme une source de division.
En tant que média engagé, notre responsabilité va au-delà de l'information. Nous participons à la construction d'un imaginaire collectif. Veillons à ce que cet imaginaire soit fondé sur la compréhension mutuelle, le respect des différences et la solidarité face à toutes les formes de discrimination.
Plus d'informations ici : formations – Boussole Antiraciste
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