Les religions dans l'espace
- barbara-moullan
- 25 mars
- 3 min de lecture
Ils ne devaient rester que huit jours. Finalement, après plus de neuf mois passés dans la Station spatiale internationale (ISS), les astronautes américains Suni Williams et Butch Wilmore ont retrouvé la Terre le mardi 18 mars 2025. Une mission prolongée, pleine de défis techniques… mais qui soulève aussi une question que l’on adore poser chez ILETAIT1FOI : comment vit-on sa foi à 400 km au-dessus de nos têtes, là où les journées durent 90 minutes et où l’on flotte en permanence ?
L’islam dans l’espace : un guide officiel malaisien
C’est la Malaisie qui a fourni la réponse la plus complète à cette question religieuse. En 2007, à l’occasion du vol spatial du premier astronaute malaisien, Sheikh Muszaphar Shukor, le Département du Développement Islamique de Malaisie (JAKIM) a publié un guide officiel intitulé "Guide de la mise en œuvre des rites islamiques à l’ISS". Ce document, unique en son genre, aide les astronautes musulmans à concilier leurs obligations religieuses avec les contraintes du vol spatial.
On y trouve des adaptations très concrètes :
La toilette rituelle (istinja’) peut être faite avec du papier prévu à bord.
Les ablutions sèches (tayammum) peuvent se faire en frappant les paumes contre une surface, même sans poussière.
Pour l’orientation vers la Qiblah, on suit une hiérarchie pratique : vers la Kaaba, vers sa projection depuis l’ISS, vers la Terre, ou dans toute direction disponible.
La prière peut être effectuée debout, assis, allongé, par mouvements des yeux, ou même mentalement si nécessaire. En effet, quand Sheikh Muszaphar Shukor, le premier musulman pratiquant à séjourner à bord de l'ISS, s'est rendu dans l'espace en 2007, l'obligation de s'agenouiller lui avait été assouplie –la tâche étant difficile en apesanteur.
L’ISS effectuant 16 révolutions autour de la Terre par jour, les horaires de prière sont impossibles à suivre comme sur Terre. Le guide recommande alors de se baser sur les horaires de la ville de départ de la mission. En cas de jeûne (comme pendant le Ramadan), l’astronaute peut choisir de l’observer à bord ou de le reporter à son retour.
Le guide prévoit même le cas extrême d’un décès en orbite : si le rapatriement du corps est impossible, un enterrement symbolique spatial peut être pratiqué avec les rites minimaux.
Hazzaa Al Mansoori, le premier Émirati dans l’espace en 2019, s'était aidé de calendrier liturgique adapté et d’avis religieux autorisés.
Judaïsme et orbite : de Hanouka à la Halakha
Le judaïsme a aussi fait le voyage au-delà de l’atmosphère terrestre. En 1993, l’astronaute américain Jeffrey Hoffman est devenu le premier à célébrer Hanouka dans l’espace, en emportant une ménorah et une meguila d’Esther à bord. En 2003, Ilan Ramon, premier astronaute israélien, a embarqué une minuscule Torah rescapée de la Shoah, et respecté les lois du Shabbat selon une décision rabbinique spéciale.
La Halakha s’est intéressée très tôt aux implications spirituelles du voyage spatial. Dès 1969, peu après la mission Apollo 11, le rabbin Menachem Kasher publiait "L’Homme sur la Lune", une œuvre pionnière sur les lois religieuses appliquées au cosmos. La question du temps religieux y est centrale : un astronaute doit-il célébrer le Shabbat à chaque coucher de soleil (donc 16 fois par jour sur l’ISS), ou selon un rythme terrestre ? L’avis majoritaire, relayé par le Rav Shlomo Zalman Auerbach et d’autres autorités, est que l’on suit un cycle de 24 heures basé sur le lieu de départ, et que l’on compte les jours normalement jusqu’au retour.
Et les chrétiens ?
Chez les chrétiens aussi, la spiritualité ne s’arrête pas à la frontière de l’atmosphère. En 1969, Buzz Aldrin, presbytérien convaincu, a marqué l’histoire en prenant la communion sur la Lune, juste après l’alunissage d’Apollo 11. Dans un moment de recueillement privé, il a lu un passage biblique et consommé du pain et du vin préparés à l’avance.
Plus récemment, Mike Hopkins, astronaute catholique et commandant de la mission SpaceX Crew-1 (2020), a reçu l’Eucharistie à bord de l’ISS, grâce à des hosties consacrées emportées dans un pyxide. Il communiait seul, lors des dimanches et des grandes fêtes.
S’il n’y a pas encore eu de messe célébrée en orbite (faute de prêtre à bord), les astronautes chrétiens ont souvent emporté des Bibles, des croix, ou des images pieuses. Plusieurs cosmonautes orthodoxes russes ont également prié face à des icônes flottant en apesanteur.
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