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Les animaux dans les traditions religieuses : mythes, symboles et histoires sacrées

À l'occasion de la journée mondiale des animaux du 4 octobre, plongeons dans l'univers fascinant des animaux qui peuplent les textes religieux. Bien que certains suscitent des phobies comme l'arachnophobie (la peur des araignées) ou l'ophiophobie (la peur des serpents), ces créatures jouent des rôles essentiels dans les traditions spirituelles.


LES MESSAGERS D'ESPOIR


La colombe de Noé : symbole universel de paix

La colombe, animal devenu symbole de paix et d’amour, est associée dans la tradition juive et biblique au prophète Noé (Noah). En effet, dans le chapitre 8 de la Genèse au verset 11, Noah envoie une Yona, une colombe, qui revient avec une branche d’olivier : cela signifie que les eaux du Déluge se sont abaissées, et que la terre redevient habitable. Symbole d’espoir et de renaissance, la colombe tenant cette branche d’olivier reste aujourd’hui utilisée dans de nombreuses manifestations. L'association de la colombe au récit du déluge est donc basée sur son rôle dans le récit biblique en tant qu'oiseau envoyé par Noé pour vérifier l'état des eaux après le déluge. Cette colombe est souvent interprétée comme un symbole de paix, de réconciliation et d'espoir, car elle a apporté des nouvelles rassurantes à Noé et à sa famille, annonçant la fin du déluge et le début d'une nouvelle ère. Cela n’apparait pas dans l’islam, qui indique « Et il fut dit: « Ô terre, absorbe ton eau ! Et toi, ciel, cesse [de pleuvoir] ! » L'eau baissa, l'ordre fut exécuté et l'arche s'installa sur le Jûdi, et il fut dit: « Que disparaissent les gens pervers ! » »[1] et qui ne parle pas d’une colombe permettant de juger le niveau de l’eau.


Daniel et les lions : la protection divine

Le lien entre Daniel et les lions se trouve dans l'histoire biblique de Daniel, racontée dans le Livre de Daniel[2]. Selon le récit, Daniel était un prophète et un conseiller du roi de Babylone. En raison de sa fidélité à Dieu et de son refus de renoncer à ses croyances religieuses, Daniel fut jeté dans une fosse aux lions par les conseillers jaloux du roi, qui avaient réussi à convaincre le roi de promulguer un décret interdisant de prier tout autre dieu que le roi lui-même. C’est alors qu’un miracle s’opéra : dans la fosse aux lions, Dieu protégea Daniel, et les lions ne lui firent aucun mal. Le roi découvrit le lendemain matin que Daniel était en vie, et ce dernier expliqua au roi que Dieu avait envoyé un ange pour fermer la gueule des lions, préservant ainsi sa vie[3]. On retrouve également ce récit dans la tradition musulmane, avec des détails différents mais la même finalité. Ibn Abi Ad Dunya rapporte d’après ‘Abd Ar Rahman Ibn Abi Az Zinad que son père a dit : « j’ai vu à la main de Abu Burdah le fils de Abu Musa al Ashari un sceau sur la pierre duquel étaient sculptés deux lions léchant un homme entre eux deux ». Abu Burdah dit « c’est le sceau de cet homme qui est mort et dont les gens prétendent qu’il s’agit de Danyal – Danyal a été jeté dans la fosse aux lions mais le lion et sa femelle le léchèrent et ne lui firent aucun mal. Sa mère arriva et trouva les lions en train de le lécher et Allah le sauva et il devint prophète ». Abu Musa rapporta que les savants de cette ville lui ont dit que Danyal fit alors graver son image et celle des deux lions qui le léchaient sur la pierre de son sceau afin de ne pas oublier le bienfait d’Allah.[4]


Livre de Daniel chapitre 6,28 Il délivre et il sauve, il accomplit des signes et des prodiges, au ciel et sur la terre, lui qui a sauvé Daniel de la griffe des lions.


L'araignée protectrice de David

Si cet arachnide fait dresser des poils sur les bras de nombreuses personnes, dans le cas de l’histoire du prophète David, on peut dire qu’il valait mieux qu’elle reste vivante. Le récit biblique de David et de l'araignée est une histoire souvent appelée « David épargne Saül dans la grotte » Elle se trouve dans la Bible, plus précisément dans le Premier Livre de Samuel, au chapitre 24. L'histoire se déroule de la manière suivante : David était poursuivi par le roi Saül, qui était jaloux de la popularité de David et le considérait comme une menace pour son règne. C’est alors que David et ses hommes se sont cachés dans une grotte dans le désert d'En-Guédi pour échapper à Saül, et qu’une araignée a tissé sa toile de manière à faire en sorte que David ne soit pas remarqué. En effet, au verset 3, on lit que Saül est entré dans la même grotte pour se soulager, sans se rendre compte que David et ses hommes étaient cachés à l'intérieur[5].


LES ANIMAUX EMBLEMATIQUES


Les tétramorphes des évangélistes

Dans la tradition chrétienne, chaque évangéliste est associé à un symbole, et Marc, Luc ainsi que Jean sont symbolisés par un animal. Ces symboles des évangélistes, appelés « tétramorphes », sont souvent représentés dans l'art chrétien traditionnel, et nous permettent de les reconnaître lorsqu’ils sont représentés sous forme de statues ou de tableaux. Ainsi, Marc est associé au lion. Luc est associé au bœuf ou au taureau, et Jean est associé à l'aigle[6].


Le bélier d'Abraham

Le judaïsme, le christianisme et l’islam mettent en avant le récit du sacrifice du fils d’Abraham. S’il y a divergence selon certains savants musulmans de l’identité du fils sacrifié, tous convergent vers la même finalité : il a gardé la vie sauve, remplacé par un bélier. Le récit biblique indique : Abraham, levant les yeux, remarqua qu'un bélier, derrière lui, s'était embarrassé les cornes dans un buisson. Abraham alla prendre ce bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils[7]. Le récit coranique ponctue : Et Nous le rançonnâmes d'une immolation généreuse[8]. Un point important dans le judaisme indique que ce bélier envoyé à l’occasion du sacrifice était disposé pour cela depuis les six jours de la création[9]. Et dans l’islam, Ibn Abbas a dit que c’était : « Un bélier qui paît au paradis depuis quarante ans »[10]. Dans le tafsir d’Al-Jalalayn, il rapporte que le bélier qu’Allah a envoyé à Ibrahim était le même bélier qu’Habil avait sacrifié : ce qui signifie qu’Allah l’a monté au ciel, puis l’a renvoyé à Ibrahim pour qu’il le sacrifie.


Le serpent tentateur

Il s’agit d’un récit exclusivement biblique, l’islam ne le mentionne pas du tout. Dans le récit biblique de la tentation d’Eve, le serpent est le protagoniste central de l'histoire[11]. Décrit comme rusé, il trompe Ève en lui suggérant de manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, que Dieu avait interdit. Ève cède à la tentation, mange le fruit et persuade Adam de faire de même. Cela conduit à leur expulsion du jardin. En conséquence de son rôle dans la chute de l'humanité, Dieu maudit le serpent, déclarant qu'il rampera sur son ventre[12] et qu'il y aura une hostilité entre la descendance de la femme et la descendance du serpent. En raison de ce rôle dans la chute d'Adam et Ève, le serpent est souvent associé au diable.

D’ailleurs, le serpent apparaît dans d'autres parties de la Bible. Par exemple, dans le Livre des Nombres, les Israélites sont mordus par des serpents venimeux en raison de leur rébellion contre Dieu, mais Dieu ordonne à Moïse de faire un serpent d'airain et de le dresser sur une perche pour que ceux qui le regardent soient guéris[13]. Un symbolisme que l’on retrouve également dans la mythologie grecque avec le serpent d’Asclépios, qui a donné le logo pharmaceutique utilisé encore aujourd’hui.


LES ANIMAUX DE LA CRECHE : ENTRE TRADITION ET INTERPRETATION


Une présence symbolique mais non biblique

Les animaux de la crèche, tels que les moutons, les ânes et les bovins, sont traditionnellement représentés dans les crèches de Noël en référence à la nativité de Jésus telle qu'elle est décrite dans les évangiles canoniques du Nouveau Testament de la Bible. Cependant, il est important de noter que les évangiles ne mentionnent pas spécifiquement la présence de ces animaux à la naissance de Jésus. La principale source biblique qui relate la naissance de Jésus se trouve dans les évangiles de Matthieu (Matthieu 2:1-12) et de Luc (Luc 2:1-20). Luc décrit le voyage de Marie et Joseph à Bethléem, la naissance dans une étable et l'annonce aux bergers. Dans l'évangile de Luc, il est mentionné que Jésus a été déposé dans une mangeoire, ce qui a conduit à la tradition d'inclure des animaux dans les crèches.

La mise en scène de la nativité que l’on connait désormais nous vient de saint François d'Assise, en 1223[14]. Il s’est inspiré pour cela de Esaïe 1,3 : «Le bœuf connaît son possesseur, et l'âne la crèche de son maître: Israël ne connaît rien, mon peuple n'a point d'intelligence». Moins classiques mais néanmoins placés parfois devant la crèche : le dromadaire, l'éléphant ou le cheval. Une présence qui s'explique par l'origine orientale des mages venus rendre hommage à Jésus.


LES CREATURES FANTASTIQUES DANS LES TEXTES SACRES


Le Bouraq : monture céleste du Prophète

Le « Bouraq » est une créature légendaire de la tradition islamique, principalement associée au voyage nocturne et à l'ascension céleste du Prophète Muhammad, connus en arabe sous les noms « Isra et Mi'raj ».On lit dans la tradition musulmane (principalement lors du commentaire de la sourate 17 verset 1), quelques informations au sujet de ce voyage dit nocturne. Selon la tradition islamique, le Prophète Muhammad a été transporté miraculeusement la nuit de La Mecque à Jérusalem sur le dos du Bouraq, souvent décrit comme une créature miraculeuse, plus petite qu'un mulet mais plus grande qu'un âne, avec des ailes sur ses côtés. Il aurait été créé spécifiquement pour les voyages du Prophète Muhammad et aurait la capacité de couvrir de grandes distances en un instant[15]. Sa description peut varier légèrement selon les sources, mais il est généralement décrit comme une créature céleste d'une grande beauté et d'une grande splendeur[16].


Jonas et le "grand poisson"

L'association de Jonas à une baleine est une interprétation. En effet, la Bible utilise le terme hébreu « dag gadol », qui signifie « grand poisson » ou « grand poisson marin »[17]. Le Coran quant à lui, parle de « Hut », signifiant également grand poisson du genre cétacés (samak désignant les petits poissons), ce qui a également poussé les exégèses à en déduire qu’il s’agissait d’une baleine. Côté biblique, la traduction de « grand poisson » a également été interprétée de différentes manières au fil des siècles, et c'est ce qui a conduit à l'association de Jonas avec une baleine dans de nombreuses représentations populaires. Les baleines sont de grands mammifères marins, et elles sont souvent considérées comme les plus grands animaux vivants sur Terre, ce qui a contribué à cette association.

Conclusion

Les animaux, qu'ils soient réels ou fantastiques, occupent une place centrale dans les récits religieux. Porteurs de messages spirituels, symboles de vertus ou instruments de la volonté divine, ils enrichissent la dimension narrative et symbolique des textes sacrés. De la modeste araignée protégeant David à la majestueuse monture céleste du Prophète Muhammad, chaque créature contribue à sa manière à la transmission des enseignements religieux.

 

NOTES

[1] Coran, sourate 11,44 [2] Bible, partie Premier Testament [3] Livre de Daniel, chapitre 6, 23 Mon Dieu a envoyé son ange, qui a fermé la gueule des lions. Ils ne m’ont fait aucun mal, car j’avais été reconnu innocent devant lui ; et devant toi, ô roi, je n’avais rien fait de criminel. » [4] Les histoires prophétiques authentiques : Ibn Kathir éditions Gheras, 2010, p607 [5] Midrash (commentaire biblique) [6] Michel Fromaget, Le Symbolisme des quatre Vivants ; Ézéchiel, saint Jean et la tradition, éditions du Félin, 1992. [7] Genèse 22,13 [8] Coran 37,107 [9] Exégèse de Genèse 22,13 Houmach avec rachi, 1998 Editions Gallia, qui cite Avoth 5, 6 [10] Tabari [11] Genèse 3,1-6 [12] Il avait des pattes, mais elles ont été coupées (Beréchith raba 20, 5) [13] Nombres 21,4-9 [14] François-Xavier Nève, chercheur et enseignant en linguistique et en histoire des religions à l'Université de Liège, et auteur des «Animaux de la Bible – Allégories et symboles». [15] Trois compagnies aériennes ont ainsi choisi leur nom d'après le Bouraq : Buraq Air, en Libye, Bouraq Indonesia Airlines en Indonésie et Alburak Aviation SA au Luxembourg. [16] Sahih Muslim, 162 [17] Le passage pertinent se trouve dans Jonas 1,17

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