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Photo du rédacteurbarbara-moullan

Conférence exceptionnelle au musée Rachi de Troyes

Dernière mise à jour : 25 nov.


Dans le sillage des témoignages essentiels sur la Shoah, le récit d'Arlette Testyler se distingue par sa force et sa portée mémorielle. Issue d'une famille juive d'origine polonaise aux traditions plurielles, son parcours illustre la complexité de l'identité juive dans la France d'avant-guerre, où coexistaient les célébrations de Hanouka et de Noël, de Pessah et de Pâques. La trajectoire de vie de cette petite fille de 9 ans bascule brutalement sous l'Occupation allemande. Son père, entrepreneur dans le secteur de la fourrure, devient l'une des premières victimes de la rafle du "billet vert", prélude tragique à la rafle du Vélodrome d'Hiver. Les investigations ultérieures révéleront son funeste destin : la chambre à gaz d'Auschwitz, découverte confirmée lors d'une visite poignante d'Arlette sur les lieux décennies plus tard.

Les souvenirs d'enfance d'Arlette Testyler sont empreints d'une violence systémique caractéristique de cette période. Elle décrit avec une précision glaçante les modalités des arrestations : l'hypocrisie des consignes administratives où seul le nom du père sur la liste des personnes à arrêter mais arrêt de la famille entière, ou encore les autorités demandant aux familles juives de préparer "valises" et "provisions", alors même que le rationnement les privait déjà du nécessaire, ... "Quelles valises ? On ne partait pas en vacances", témoigne-t-elle avec amertume.

Sa survie tient à une constellation de résistances individuelles : sa mère, qui, malgré sa propre arrestation, parvient à orchestrer la fuite de ses filles ; une famille d'accueil courageuse ; un prêtre catholique qui risque sa vie pour la protéger. Ces actes de bravoure contrastent avec la déshumanisation méthodique mise en œuvre dans les camps et les lieux de détention, notamment au Vélodrome d'Hiver, où l'absence totale d'installations sanitaires constituait une forme supplémentaire de torture, et de choc pour une petite fille. Les odeurs, les visions, elle se souvient de tout. Même des suicides. " Au troisième étage, il y avait du sang partout. Comme il n'y avait pas de sanitaires, les tissus des femmes qui avaient leur menstrues s'entassaient dans un coin. J'étais persuadée qu'on tuait les gens."

La reconnaissance officielle de la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs par le président Jacques Chirac marque pour Arlette Testyler une étape décisive dans le processus mémoriel. Aujourd'hui, elle consacre son énergie à la transmission de cette mémoire auprès des jeunes générations dans les établissements scolaires.

Cependant, lors de cette conférence, ILETAIT1FOI ne cache pas sa déception sur un point : lors de la session questions réponses, elle aborde les femmes voilées et leur "balaya" (comprendre "abaya"), dans des termes associés au discours médiatique de discrimination, de rejet, duquel elle a pourtant été victime elle-même, mais également sa famille, ses amis, ses voisins... Elle parle de son anecdote terrible, qui la fait encore pleurer aujourd'hui, de rejet au parc "interdit aux juifs et aux chiens". Anecdote qui a résonné chez nous aussi, où nous sommes interdites d'entrer dans des endroits parce que les gouvernements actuels ont décidé que c'était comme ça. Comme durant le gouvernement Vichy, où il était décidé que c'était comme ça, pas de Juifs dans les parcs.

Cette comparaison historique peut bien sûr être contestée, mais souligne la persistance des questionnements sur la discrimination et l'exclusion dans la société française. Le parcours d'Arlette Testyler incarne ainsi non seulement la mémoire de la Shoah, mais aussi les défis contemporains de la lutte contre toutes les formes de discrimination, rappelant que la vigilance face à l'intolérance demeure une nécessité permanente, et qu'avoir failli payer le prix de sa vie à cause de la haine n'immunise pas contre certaines formes de discours qui peuvent encore y inciter.

Pour rappel, le musée Rachi est un établissement du patrimoine français que nous vous conseillons vivement de visiter !


Rachi de Troyes : l'auteur français le plus publié au monde méconnu du grand public
C'est une histoire méconnue de notre patrimoine littéraire : l'auteur français le plus publié au monde n'est autre qu'un rabbin troyen du XIe siècle. Shlomo Rachi (1040-1105) a révolutionné la compréhension des textes sacrés du judaïsme grâce à une méthode novatrice de traduction et d'interprétation.

Formé dans les prestigieuses écoles talmudiques de Rhénanie, ce natif de Troyes a consacré sa vie à rendre accessibles la Bible hébraïque et le Talmud de Babylone. Sa méthode, basée sur une approche littérale et pédagogique, a marqué des générations de lecteurs et continue d'influencer l'étude des textes sacrés dans les communautés juives du monde entier.



Pour découvrir l'héritage de cet érudit champenois, direction la Maison Rachi, un édifice du XVIe siècle récemment rénové au cœur de Troyes. Ce centre culturel moderne propose une expérience immersive unique : films d'animation pédagogiques, bibliothèque richement dotée et salle Talmud ornée d'un impressionnant vitrail retraçant la généalogie du maître. Le clou de la visite ? Un oratoire reconstitué du XIIe siècle qui plonge les visiteurs dans l'atmosphère de l'époque où Rachi enseignait.

Cette institution, qui abrite également une synagogue, témoigne de l'importance capitale de celui qui, avec ses disciples les "tossafistes", a démocratisé l'accès aux textes fondamentaux du judaïsme. Une figure intellectuelle majeure qui mérite amplement sa place dans le panthéon des grands auteurs français.



INFORMATIONS PRATIQUES

Maison Rachi

5, rue Brunneval 10000 Troyes

Tél. : 03 25 73 53 01

Visite commentée sur inscription

Prix : 24 € par adulte, 12 € jusqu’à 13 ans, gratuit pour les moins de 6 ans

Fermée le vendredi soir et le samedi toute la journée

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